Après avoir œuvré dans de nombreuses radios nationales et
différentes sociétés autour des médias, Emmanuel Rials a été
nommé à la tête de Oüi FM désormais détenue par Arthur.
Président de la radio rock, il prépare aussi le "vrai" lancement
de Collector Radio et Radio Life sur la radio numérique
terrestre. Rencontre avec un passionné de radio et une homme
plein d'humilité…
Jeudi 13
avril 2017. Il est 15h30 lorsque je pénètre dans le bureau d'Emmanuel Rials. Nous nous installons dans le canapé
situé dans un coin de la pièce spacieuse. Je commence par
prendre des nouvelles de Oüi FM.
Emmanuel
Rials : Avec son format rock exclusif, Oüi FM se porte bien. Si
nous ne sommes pas directement présents dans le sondage national
de Médiamétrie, nous y apparaissons au travers du GIE Les Indés
Radio dont nous sommes membres. Nous sommes donc une partie de
cette première audience de France. Selon les périodes, Oüi FM
réunit entre 250 et 350 000 auditeurs.
Côté
concurrence, Oüi FM est assez seule sur la bande FM depuis
l'arrêt du format rock par Le Mouv'. En nationale, elle se
frotte un peu avec RTL2 et son format pop rock. Elle compte
aussi quelques concurrentes en local avec notamment les radios
associatives adhérentes des Férarocks. "Sinon nous sommes le
dernier des mohicans".
Le
développement de Oüi FM est tous azimuts
Pour son
développement, la radio rock est sur tous les fronts. Le
développement géographique sur la FM est un chantier prioritaire
car, pour Emmanuel Rials, la FM reste le moyen d'écoute principal
de la radio en attendant le développement de la RNT.
Emmanuel
Rials : D'ici quelques années, la RNT deviendra majoritaire, je
n'en doute pas. Le temps de couvrir toute la France et d'équiper
les voitures. Et nous y sommes presque. Avec Paris, Marseille et
Nice, nous en sommes à environ 19% de la population française
couverte. Or à 20% de couverture, ce qui arrivera avec n'importe
laquelle des prochaines zones de déploiement de la RNT prévue en
fin d'année, cela va créer l'obligation pour tous les fabricants
de récepteur d'intégrer la norme DAB+.
Pour
l'heure, Emmanuel Rials ne sait pas quelles sont les prochaines
fréquences que la radio rock pourra déployer mais elles seront
"assurément en DAB+" (à Lyon, Strasbourg ou Lille) car les
instructions sont en cours pour la FM.
Peuleux :
Pourquoi, n'êtes-vous plus audible à Nantes où Oüi FM a
participé à l'expérimentation du GRAM (groupement des radios
associatives de la métropole nantaise) ?
Emmanuel
Rials : Il faut savoir que lorsqu'un appel à candidatures est
lancé sur une zone, légalement l'expérimentation s'arrête. Ce
qui est dommage; c'est que des gens, une minorité certes, qui
aiment la radio ou sont au fait de la technologie, ont acheté
des récepteurs DAB. Or pendant 12 à 18 mois, la durée de la
procédure d'attribution, ils ne pourront plus rien écouter. Je
trouve cela épouvantable pour l'image de la radio. Du coup, j'ai
préféré arrêté la diffusion expérimentale de Oüi FM à Nantes il
y a 2 ans. Je préfère arriver avec toutes les radios mais de
manière pérenne plutôt que d'expliquer aux auditeurs qu'un coup
ça marche, un coup ça ne marche pas.
Pour le
développement de sa zone de couverture, Emmanuel Rials reconnaît
viser prioritairement les grosses agglomérations. Toutefois,
comme son développement intervient 30 ans après les autres
radios, le développement de Oüi FM "est tous azimuts". La
direction de la station prête "la même attention au
développement en streaming qu'en FM, en DAB+ ou via la radio
filmée". La radio dispose d'une licence nationale et répond à
tous les appels à candidatures sur la RNT où les autorisations
de diffusion seront régionales.
La
manière dont les auditeurs consomment la radio a changé
Peuleux :
L'avenir de Oüi FM passe-t-elle aussi par les webradios ?
Emmanuel
Rials : Bien sûr et nous continuions à les développer. Je ne
dirai pas que c'est l'avenir de Oüi FM mais c'est dans le
prolongement naturel de sa marque. Je crois aux webradios ultra
spécialisées qui facilitent un très bon référencement sur Google
permettant à une personne intéressée par un courant musical
particulier de tomber sur cette webradio. Cette écoute sera le
résultat de sa requête et non pas d'un désert social ou affectif
qui fait qu'il aura passé des heures à zapper dans une longue
liste de webradios..
Peuleux :
L'avenir de Oüi FM passe-t-elle aussi par la radio filmée ?
Emmanuel
Rials : Aujourd'hui, regardez la radio a un intérêt pour de
l'information. Regardez un animateur envoyer des disques a un
intérêt limité. Nous laissons le flux pour ceux que cela
intéresse mais le principal attrait est lorsque nous recevons
des groupes en studio ou des invités dans le morning. Vous avez
remarqué que la manière dont les auditeurs consomment la radio a
changé. Avant, ils écoutaient la radio sur un poste dans la
cuisine ou la voiture et ils étaient au bon vouloir des grilles
des programmes. Aujourd'hui, ils consomment la radio quasiment
comme la musique, avec une consommation globale avec tout en
même temps. Les moins de 25 ans peuvent regarder les images
d'une radio et en même temps qu'ils écoutent un flux iTunes
music ou ils peuvent écouter la radio en regardant des vidéos
sur YouTube. Leur consommation n'est plus du tout celle des plus
de 35 ans. La vidéo est virale alors que le son l'est moins.
Peuleux
: Nicolas Lespaule rêve de retrouver des animateurs de radio qui
choisissent eux-mêmes la musique qu'ils diffusent, qui donnent
leur âme à leur émission plutôt que de jouer les passeurs de
disques sur une programmation préparée dans une arrière salle
par un ordinateur plein d'algorithmes. Qu'en pensez-vous ?
Emmanuel
Rials : Ce mode de fonctionnement est celui des radios d'il y a
30-40 ans. Certains comme Nicolas arrivent encore à le faire. Je
crois plus à un mix des deux permettant à un animateur de mettre
sa touche personnelle via des discussions avec le responsable de
la programmation musicale. C'est par exemple le cas de Bob et
Marie sur Oüi FM. La France n'est pas encore prête à revenir à
cet ancien système ou alors il faudrait avoir un auditoire aussi
large qu'aux Etats-Unis pour rendre de telles radios viables.
Life
Radio et Radio Collector sont encore en phase expérimentale
Lorsque
Oüi FM décide de se lancer sur la RNT, elle lance aussi en
parallèle deux nouvelles radios : Radio Life et Oüi Collector
qui deviendra très vite Collector Radio. Pour Emmanuel Rials,
ces trois radios ne sont pas concurrentes mais complémentaires.
Collector Radio propose "la crème de la crème des meilleurs
titres des 50 dernières années, qu'ils soient rocks ou non". Il
n'y a donc pas de liaison avec Oüi FM. De son côté, Radio Life
est une sorte de mini généraliste avec une programmation assez
large musicalement, beaucoup de sketches et quelques infos.
Peuleux :
Pourquoi avoir lancé ces deux nouvelles radios?
Emmanuel
Rials : Il y avait des créneaux de libres. Ce serait une honte
de ne pas prendre des créneaux libres lorsque l'on a des projets
dans les caisses. Il faut les lancer et voir ce que cela donne.
Pour l'instant, il n'y a pas grand-chose à dire sur ces deux
radios. Nous en dirons plus dans 1 ou 2 ans lorsque 30-40% du
territoire métropolitain sera couvert et qu'il sera aussi facile
d'accéder à la FM qu'au DAB dans les voitures. Aujourd'hui, nous
sommes encore dans une phase presque expérimentale. Et cela
jusqu'à ce que le CSA lance des appels à candidatures partout.
Emmanuel
Rials ne considère pas Collector Radio et Radio Life comme des
robinets à musique, "elles sont fabriquées par la direction des
programmes avec autant de soins que Oüi FM". Pour l'instant, ces
deux radios ne proposent pas d'émission en direct faute
d'audience suffisante pour la RNT. En effet, statutairement ce
sont des radios commerciales ne bénéficiant pas d'aide de
l'Etat. Il est donc difficile de développer des programmes pour
l'heure sans audience génératrice de publicité derrière. C'est
la loi de la jungle !
Peuleux :
Avez-vous des idées quant aux programmes que vous mettrez à
l'antenne de ces deux radios ?
Emmanuel
Rials : Tout est réfléchi mais c'est trop tôt pour en parler.
Nous avons des projets très originaux que nous ferons découvrir
aux auditeurs en temps utiles...
Peuleux :
A quelle échéance, pensez-vous pouvoir lancer de vraies
émissions sur Collector Radio et Radio Life ?
Emmanuel
Rials : Dans environ 18 mois. C'est une vitesse CSA, une vitesse
administrative. Et je croise les doigts en même temps que je
vous dis cela !
Plus
on avance, plus l'humilité grandit
BIO EXPRESS D'EMMANUEL RIALS
Né à
Paris le 28/07/1967 / Etudes de Droit.
1988 :
Skyrock > directeur du développement du réseau du sud de
la France puis directeur opérationnel / lancement de M
Radio à Moscou.
1991 :
Commission interministérielle sur les médias de
proximité > conseiller.
1994 :
RMC > conseiller auprès de la direction générale pour la
reprise de Montmartre FM
1994 :
Fun Radio > directeur du réseau Fun Radio, membre du
conseil d'administration et administrateur de la
Fondation d'entreprise.
1997 :
RTL Group' > directeur des réseaux Fun Radio et RTL2.
1999 :
MédiaRadioTV, un observatoire des médias > cofondateur
2001 :
Medexo, une société de promotion de produits du sud pour
les professionnels > fondateur.
2004 :
Petrotech Engineering (basée
à Genève) >
vice-président avec la charge du lobbying des activités
télécoms d'Alcatel en Algérie.
2005 :
Rials and Co Consulting, cabinet spécialisé dans le
développement radiophonique de groupes médias >
fondateur. Parmi ses clients : AWPG (Arthur World
Participations Group).
2009 :
Oüi FM > directeur général.
Décembre
2013 : Oüi FM > président directeur général de Oüi FM.
|
|
Peuleux :
Avant Oüi FM, vous êtes passé par Skyrock, Montmartre FM, Fun
Radio, RTL2 et RMC. Vous avez créé plusieurs sociétés. Quel est
votre carburant, votre fil conducteur ?
Emmanuel
Rials : J'adore ce que je fais ! J'adore la radio ! C'est
quelque chose que l'on a rapidement dans le sang, c'est un virus
bénéfique.
Peuleux :
Quel est votre plus grand regret professtionnel ?
Emmanuel
Rials : Je n'ai pas de regret. Je suis heureux de chaque
expérience qui a été très différente et bénéfique. C'est un
métier absolument passionnant avec une particularité : plus on
avance, plus l'humilité grandit. On démarre en pensant que l'on
va inventer le monde, que l'on vous a attendu durant des siècles
et que tout ira très vite. Les années passent et l'on se rend
compte que ça ne va pas si vite, qu'il y a de nombreux aspects
aléatoires (donc pas maitrisés), qu'il y a énormément de gens
compétents avec de bonnes idées dans toutes les radios. Il faut
donc faire avec. L'humilité doit être présente très fortement,
vraiment !
|
Les Indés Radio, SIRTI… L'aura de Oüi FM n'est pas suffisante…
Peuleux :
Aujourd'hui Oüi FM est présente dans des organismes comme le
SIRTI, Les Indés Radio… Pourquoi est-ce important pour Oüi FM
d'être présente dans ces organismes alors que vous êtes parmi
les membres les plus connus du grand public ?
Emmanuel
Rials : Le GIE est un partenaire historique qui a permis à des
dizaines de radios locales, régionale
ou thématiques nationales qui n'avaient pas la puissance
nécessaire pour développer une offre commerciale auprès de
marques nationales de se réunir et de constituer cette offre.
Une offre qui aujourd'hui se vend très bien grâce TF1 publicité.
C'est une nécessité économique pour les radios qui ne peuvent
survivre seules. Nova a tenté l'expérience en se commercialisant
elle-même mais rapidement elle a rejoint une autre offre aux
côtés de Télérama, Les Inrocks, Vice ou Le Monde. Le SIRTI est
une autre problématique : nous avons besoin de nous réunir pour
nous faire entendre et passer des messages forts et clairs au
CSA, aux législateurs ou aux autorités locales. Notre poids fait
que nous sommes écoutés. L'aura dont bénéficie Oüi FM depuis sa
création n'est pas suffisante pour cela.
Peuleux :
Sur le déploiement de la RNT, le SIRTI se trouve en désaccord
complet avec le Bureau de la Radio…
Emmanuel
Rials : Le Bureau de la Radio n'a qu'un seul objectif : ne pas
voir apparaitre de nouveaux concurrents en national.
Contrairement ce qui a été dit ou écrit, ce n'est pas une
question de norme ou d'époque. Ils ont tout tenté. Pourtant,
chacun des groupes membres est fortement impliqué dans le DAB+
dans tous les pays européens où ils sont installés. C'est donc
un peu difficile de dire que c'est super bien en Allemagne, en
Belgique et au Royaume-Uni mais on n'en veut pas en France.
Peuleux :
Je ne comprends pas pourquoi des groupes comme Lagardère Active
ou RTL Group ce sont lancés dans la RNT avec des projets forts
comme Europe 1 Sport ou Radio 128 avant de revenir en arrière ?
Emmanuel
Rials : Ils se sont lancés avec des directions qui croyaient en
cette opportunité pour développer leur couverture nationale
qu'ils estimaient insuffisante et pour donner un ballon
d'oxygène à leur développement. Leurs successeurs ont considérés
que c'était une erreur du fait de l'apparition de concurrents
nationaux qui allaient manger dans le même gâteau publicitaire
qu'eux. Ils ont donc fait machine arrière toute ! En une nuit
nos partenaires sont devenus nos concurrents en une nuit !
|