Passionnée de musique rock, Marie s'est lancée dans la radio
malgré une certaine timidité. Aujourd'hui, elle anime une
tranche musicale de 3 heures chaque soir sur Oüi FM, une tranche
rock à son image. Rencontre avec une pile électrique génératrice
de feux d'artifices…
Chaque
année, lorsque je rédige la page du mercato radiophonique, je
m'intéresse à de nombreuses voix de la radio, de grands
animateurs ou journalistes comme aux voix moins célèbres. Parmi
ces voix méconnues, des noms, des personnalités, des parcours
radiophoniques m'interpellent. Parfois, la curiosité me pousse à
tourner le bouton de la radio pour les écouter. C'est ainsi que
j'ai découvert Marie sur Oüi FM. Sa personnalité pétillante et
son statut d'animatrice sur une radio rock m'ont donné envie de
la rencontrer. Le jeudi 12 avril après-midi, mon souhait a été
exaucé !
De la
passion des concerts à la radio…
A
la base, Marie est une passionnée de concerts, "véritablement
j'adore ça, ma vie c'est les concerts". Alors qu'elle était
(censée être) en faculté d'anglais où elle s'ennuyait, trouvant
le contexte trop stricte par rapport à son côté pile électrique,
elle commence à vouloir interviewer des petits groupes musicaux.
Un jour, l'amie qui la filme interviewant un groupe trouve
qu'elle a une voix pour faire de la radio et lui conseille de
s'inscrire au Studio école de France [NDLR : aussi appelée
Studec]. Marie se renseigne, réussit le concours d'entrée et
intègre l'école de radio pour une formation de 2 ans. Durant la
seconde année du cursus, elle effectue son stage à Oüi FM
comme standardiste et assistante antenne du morning. Elle
travaille aussi un peu pour "Bring the noise" et pendant les
vacances, elle fait des remplacements sur le morning de la radio
rock et sur La Radio de la Mer, programme local de Oüi FM.
Peuleux :
La radio pour toi, c'était un rêve ou cela a été une opportunité
?
Marie :
C'est un mélange des deux. J'ai toujours rêvé de travailler dans
la musique. Je chante beaucoup, je compose beaucoup, j'écris
beaucoup, j'ai clairement eu toujours besoin de m'exprimer.
J'écoute la radio depuis que je suis toute petite parce que mon
papa au Congo était journaliste et passionné de radio. J'ai
baigné dans la radio, du coup ça n'a étonné personne quand je me suis
dirigée vers la radio.
Après
avoir obtenu son diplôme au Studio école de France, Marie ne
trouve pas un micro de suite. Pendant 2 ans, elle est vendeuse
chez Virgin Mégastore jusqu'à ce que son ancien directeur lui
conseille de postuler auprès de Champagne FM qui cherche une
coanimatrice pour sa matinale. Marie a "tellement envie de
bouffer du micro" qu'elle est prête à partir pour Reims. Ruben,
l'animateur de la matinale reçoit la maquette et l'embauche.
Marie :
Ruben m'a donné ma chance. Ruben; je t'aime à la folie ! Merci,
je t'en suis éternellement reconnaissante ! Il m'a toujours dit
de me faire confiance.
"Elle
est peut-être noire mais she's pink inside !".
Après une
saison champenoise, Marie rentre à Paris et retrouve Oüi FM un
mois plus tard. Elle officie alors pendant trois saisons aux
côtés de Josquin en matinée comme réalisatrice et coanimatrice.
Peuleux :
Après trois saisons aux côtés de Josquin, tu lances "Pink
Inside". Qui a eu l’idée de cette émission ?
Marie :
C'est mon bébé (avec un ton de fierté maternelle) ! C'est une
histoire assez rigolote : avec Pierre qui faisait "Bring the
noise", nous avions une blague entre nous qui était de dire "je
suis peut être noire mais à l'intérieur je suis rose !" Un jour
alors qu'il recevait le groupe Royal Republic, il leur a fait
cette blague en leur disant que j'étais "Pink Inside". Quelques
mois après, le groupe revient à Paris en concert au "Bring the
noise festival". Nous sommes le 22 décembre 2012, c'est mon
anniversaire. Et alors qu'ils sont sur scène, le groupe s'arrête
et le chanteur commence à raconter au public qu'ils sont venus à
Paris quelques mois plus tôt pour une interview où il avait
essayé d'être sérieux jusqu'à ce que l'animateur leur montre une
petite blacky et leur dise "elle est peut-être noire mais she's
pink inside !". Ils m'appellent alors et les projecteurs se sont
braqués sur moi. Le terme est resté, j'en ai écrit une chanson
et lorsque je suis rentrée à Paris pour faire "le 9-13", j'avais
envie que cette expression deviennent une émission. J'en
parlais, j'en parlais et j'en ai parlé à Fanny notre directrice
des programmes. Je lui ai demandé de rebaptiser mon hebdo du
samedi en "Pink Inside" en y mettant des bons plans, des trucs
pour s'amuser et des interviewes d'artistes. "Pink Inside" est
une grande pyjama party où tout le monde est invité avec un pass
valable toute l'année. Fanny m'a laissé ma chance
[NDLR : En février 2015, la
tranche musicale que Marie anime chaque samedi soir
depuis la rentrée 2014 devient "Pink Inside"] et au
bout de 2 ans, c'est devenu une quotidienne à la dernière rentrée.
Peuleux :
Mais tu n'es pas en pyjama !
Marie :
Je ne suis pas en pyjama mais on peut l'imaginer (rires) ! C'est
une émission de liberté et de partage. Je suis assez naturelle
et je dis ce que je pense d'un article ou d'un titre, je donne
mon humeur du jour… C'est une émission pour faire sourire à coups
de rock'n'roll.
Je
discute beau beaucoup avec la programmation musicale de Oüi FM
Concernant
la musique qu'elle diffuse, Marie discute beaucoup avec la
programmation musicale de Oüi FM. Ils se voient tous les jours,
ils la connaissent bien et ils se font mutuellement confiance.
Marie :
Le groupe de ma vie c'est Oasis et la programmation fait exprès
de me mettre un Oasis par jour pour que je puisse voler dans le
studio (rires) ! Je suis une passionnée de rock alternatif,
j'adore la musique pop punk, j'ai grandi avec Good Charlotte,
Sum 41… Ils essayent d'en mettre un peu pendant ma tranche. Du
coup, je ne peux être qu'honnête quand je "vends" cette musique
car c'est celle qui me représente. Et puis, je ne sais pas
mentir.
Au final,
la programmation musicale vient appuyer sa personnalité.
Concernant les bons plans qu'elle propose, c'est Marie qui les
trouve. Elle parle à l'antenne tout simplement que ce qu'elle
aime et les partage aussi sur le site web de la radio. "Quand un
truc me fait tilt, j'en parle : resto, livre, concert…".
Pendant
son émission, Marie interagit beaucoup avec les auditeurs de Oüi
FM. Elle est très présente sur Twitter. Elle sollicite
régulièrement leur avis sur un titre. Cela lui permet aussi de
connaitre ses auditeurs car, pour elle, l'émission est aussi un
lieu d'échange. "J'aime savoir comment vont les auditeurs, quel
a été leur feu d'artifices de la journée même si ce n'est qu'un
sourire échangé dans le bus".
Peuleux :
Ça ne te dérange pas d’être filmée pendant que tu passes des
disques ?
Marie :
C'est rigolo parce que j'oublie que je sus filmée parfois
(rires). Je suis une pile électrique, il m'arrive de sauter dans
le studio ! Je me dis que les gens qui me regardent se rendent
compte que j'aime vraiment ce que je fais. Alors si le message
passe, ça me va bien ! De toute façon, ce que vous pouvez voir
c'est ce que je suis... Donc ça ne me dérange pas.
Et Marie
ne tient pas en place, elle court, elle saute partout. Quant à
faire plus attention à sa tenue vestimentaire ou à sa coiffure
du fait des caméras, Marie répond qu'elle vient comme elle est :
"Je suis coquette comme une fille (sourire) mais je reste
moi-même…"
Je
suis une pile électrique !
Peuleux
: Vendredi dernier, je te regardais sur le flux vidéo. Pendant
les chansons, tu mangeais un menu Burger King tout en étant sur
ton ordinateur… Au fait, on a le droit de manger dans le studio
? Ça doit mettre des taches de gras partout les hamburgers ?!
Marie :
Non, nous n'avons pas le droit mais attention : j'ai toujours de
quoi nettoyer mes mains. Vendredi, je mangeais en studio parce
que je n'avais pas eu le temps de le faire entre l'interview de
Last Train et mon émission.
Peuleux :
Sur le flux vidéo, on te voit réaliser l'émission, on te voit
parler avec des collègues, on te voit manger, on te voit sur ton
ordinateur… c'est la polyvalence féminine ?
Marie :
La pile électrique sait faire plusieurs choses en même temps ! A
la radio, nous sommes une bande de potes et j'aime bien quand
ils sont là à me tenir compagnie. Certains passent me voir avant
de rentrer chez eux. On rigole ensemble, on débriefe notre
journée de travail, nos interviewes…
Peuleux :
Comment te sens-tu au moment où tu t'assois derrière le micro ?
Marie :
Je me sens heureuse. J'adore ça. Lorsque j'appuie sur "play", je
suis contente ! Je n'oublierai jamais la première fois où je me
suis entendue au Stuec (elle grimace). Au fur et à mesure, j'ai
appris à m'assumer. Aujourd'hui, je m'assume totalement. Lorsque
j'allume le micro, je me dis que je vais parler avec des potes,
passer du bon son, qu'on va s'éclater, qu'on va pogoter chacun
de notre côté… Lorsque je passe une journée de merde, je me dis
que le soir il y a "Pink Inside" donc que ça va aller mieux.
J'espère que c'est pareil pour les auditeurs…
Peuleux :
Toute l'énergie que tu dégages à l'antenne, où vas-tu la
chercher ? La drogue ou les Burger King ?
Marie :
Ah non surtout pas (rires) ! En plus, je suis censé manger
sainement. Elle est en moi cette énergie ! Je suis comme ça… Le
pire c'est que lorsque je rentre chez moi avec mon colloc – qui
est le réalisateur de "Sex, Bob & Rock'n'roll" – c'est limite si
nous ne faisons pas un deuxième show à la maison tellement j'ai
plein d'énergie à délivrer ! Petite, j'étais réservée. Au
Studec, j'étais réservée, j'avais toujours une capuche et
j'étais au fond de la classe sans oser parler. J'étais timide,
je me suis libérée en bouffant du micro.
La
consécration c'est de pouvoir discuter avec les artistes de leur
musique
Peuleux :
Tu passes des disques et tu interviewes des artistes, puis-je
dire que tu as trouvé un bon équilibre professionnel ?
Marie
: Oui ! J'aime passer des disques, j'aime interviewer des
artistes, c'est le meilleur des deux mondes en fait ! La
consécration est de pouvoir discuter avec les artistes de leur
musique et de l'impact qu'ils ont eu sur les gens, sur moi. Le
jour où j'interviewerai Good Charlotte, je leur dirai "j'ai
commencé à écouter du punk rock, de la pop punk avec vous et
aujourd'hui, je peux vous interviewer. Votre musique, elle a servi
à ça !". Ça serait pareil avec Oasis même s'il y a maintenant
beaucoup moins de chance pour que cela puisse se produire. Je
suis comblée !
Lorsque
vous parlez avec Marie, vous comprenez vite qu'elle est heureuse
de son métier et pas blasée un instant. Elle sait qu'elle a la
chance de pouvoir parler de ce qu'elle aime, qu'elle a même tout
simplement la chance de pouvoir exercer le métier qu'elle a
choisi.
Marie :
Lorsque je vais à la radio, je sais que je vais m'amuser. Alors
attention, derrière, c'est beaucoup de travail pour préparer
cette émission même si j'ai l'air fofolle. Je travaille avec
toutes les équipes de la radio mais comme c'est ce que j'aime, je
ne le prends pas comme un travail.
A
plusieurs reprises, Oüi FM lui a confié des émissions spéciales.
La dernière était une émission pour la journée internationale de
lutte pour les droits des femmes. En studio, que des "copines de
la radio". Marie souligne la solidarité et le travail d'équipe
au sein de cette bande d'un jour. Au programme, elles
proposaient des reportages, sélectionnaient des bandes annonces
de films "girl power" tandis que Marjorie Hache interviewait
Blondie…
Marie :
Cela a représenté beaucoup de travail, je suis tellement fière
du résultat ! C'était une bande de filles, non de femmes, qui ne
s'est pas laissée démonter et qui a tenu une émission de 3
heures. Elles ont montré qu'elles savaient de quoi elles
parlaient, qu'elles en ont vraiment, qu'elles sont passionnées,
qu'elles sont des warriors !
Peuleux :
Cela ne vous a pas donné envie d'en faire une autre hors journée
des femmes ?
Marie :
Bien sûr ! Parce que nous nous aimons. Et puis Marjorie, c'est
ma meilleure amie, ma sœur. Johanna est talentueuse au possible
et je l'adore. Angèle est une pure féministe qui sait ce qu'elle
veut. Iris a une culture mais une culture de dingue. Aurélie est
là, posée, et défend la musique qu'elle aime avec une passion de
fou. Elodie est un bout de jeune femme qui apporte beaucoup de
sourire, une fofolle qui fait du bien. Les chefs étaient contents.
Cette émission, c'est nous qui l'avions proposée. Si nous
pouvions la refaire, ça serait cool !
Pas
besoin d'avoir un zizi pour être écoutées et prises au sérieux.
Peuleux
: Nous avons parlé des femmes, il ne m'a pas échappé que tu
étais une fille (elle rit)… Or les filles sur les radios
musicales, il n'y en a pas beaucoup… Pourquoi ?
Marie :
C'est une très bonne question… Et pourtant des femmes
talentueuses et intelligentes qui sont affirmées il y en a… A
Oüi Fm, ils ont eu les couilles de le faire. D'ailleurs, ça ne
devrait pas être une question de couilles mais être naturel de
faire une grille des programmes avec des meufs… Une meuf peut
parler musique aussi bien qu'un mec. Je trouve très dommage que
la nana soit souvent juste là pour subir les vannes… J'espère
que ça va changer mais je suis heureuse qu'à Oüi FM, il y ait
autant de filles à l'antenne. Je suis désolée mais en concert,
je vois autant de filles que de garçons qui pogotent et dansent
! Pas besoin d'avoir un zizi pour être écoutées et prises au
sérieux.
Peuleux :
Les filles en radio musicales sont rares mais les filles qui
parlent rock, c’est encore plus rare dans le paysage
radiophonique français. Tu es une perle rare ?
Marie :
Nous sommes des perles rares et Oüi FM nous laisse nous
exprimer. Pourtant, il y en a plein de filles qui aiment parler
du rock. Des artistes féminines ou des bloggeuses en parlent
très bien.
Peuleux :
Il ne m'a pas non plus échappé que tu n'étais pas suédoise (elle
rit)… Et lorsque je travaille sur la page du mercato radio de
mon site, je suis surpris chaque année – voire choqué – de
constaté que le paysage audiovisuel français manque de couleurs…
Marie :
(Rires) Oui nous sommes tous ici ! Je suis noire, je suis une
fille et je parle de rock ! Oui, c'est surprenant… Quand j'étais
ado, mon jeu préféré dans les concerts était de repérer une
autre noire dans le public ! Je suis heureuse de voir que nous
sommes de plus en plus nombreux dans les concerts, dans le
public ou sur scène.
Peuleux :
Pourtant à la radio, la question de la couleur de peau ne
devrait pas se poser puisqu'à la base c'est un média sans image…
Mais ça manque quand même de couleurs !
Marie :
Je ne pense pas que Oüi FM m'ait embauché pour dire "on prend
une noire". Je pense – non je suis certaine - qu'ils m'ont prise
parce que j'étais passionnée et motivée. Ils ont plus cru en moi
qu'en ma couleur !
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