Peuleux | Le monde de Spirou et Fantasio

 ENTRETIEN AVEC...  ARNOLD DEREK / FRANCE BLEU | 10/04/2017

Arrivé à la radio tardivement et par hasard, Arnold Derek est vite devenu l'une de voix marquante de la FM dans les années 1990. Après avoir été viré de Fun Radio, le trublion Arnold est resté loin des micros durant 15 ans avant de revenir discrètement à l'antenne. Aujourd'hui, il anime une émission de divertissement culturel sur France Bleu en national, loin de son image de grande gueule d'antan. Rencontre avec une légende radiophonique…

 

A la rentrée 2016, en recevant le dossier de presse de France Bleu, je découvre que LE Arnold qui avait égayé mes soirées radiophoniques sur Fun Radio prenait les commandes d'une émission entre divertissement et culture sur France Bleu. La grande gueule aux longs cheveux bouclés avait laissé la place à un animateur souriant mais sérieux sur une radio adulte. Ayant oublié que nous avions tous les deux mis une bonne quinzaine de bougies en plus sur nos gâteaux d'anniversaire, j'ai voulu le rencontrer. Rendez-vous était pris dans les locaux de France Bleu à deux pas de la Maison de la Radio.

 

Il quitte la Fnac pour Skyrock

 

Alors que beaucoup d'animateurs de sa génération sont derrière le micro depuis l'adolescence, Arnold Derek n'y passe qu'à l'âge de 21 ans sur un concours de circonstance. Alors qu'il travaille au rayon disques de la Fnac, une copine de fac qui anime une émission sur Horizon FM (à Combs-la-Ville dans les Yvelines) lui demande s'il connait des groupes de rock amateurs. Une semaine plus tard, alors qu'il assiste à l'émission en studio, il ne peut s'empêcher de prendre le micro : "Je ne sais pas pourquoi, au lieu de me tenir à l'écart en restant sur le siège où elle m'avait installé, j'ai pris un micro et j'ai parlé". Les dirigeants d'Horizon FM l'entendent et lui proposent de rester. Il commence comme chroniqueur et petit à petit, une fois à l'aise derrière son micro, la station lui confie sa propre émission. Il alterne ainsi radio le week-end et Fnac en semaine.

Mais si "Horizon FM c'était cool", la radio est loin de chez lui et coute cher en transports en commun au bénévole qu'il est. En prime, Arnold commence à tourner en rond dans son émission. Alors lorsqu'il tombe par hasard sur Canal 9 en parcourant la bande FM, il postule auprès de la radio rock installée à Montmartre. Il y reste durant quatre saisons dont trois aux commandes de la matinale. Ainsi, pendant 3 ans, il va enchaîner la matinale de canal 9 de 7h00 à 9h00 et son emploi de vendeur à la Fnac de 9h30 à 19h00.

 

Peuleux : Comment passes-tu du bénévolat sur Canal 9 à un poste d'animateur rémunéré sur Skyrock ?

Arnold Derek : L'assistante du directeur des programmes de Skyrock écoutait Canal 9 et parle de moi. A l'époque, Skyrock cherchait des nouvelles voix pour sa matinale qui ne les satisfaisait pas. J'ai passé des essais comme d'autres candidats. Ils m'ont retenu. Après une période d'essai estivale, ils me filent les commandes de la matinale. Du coup, j'ai arrêté mon taf à la Fnac pour ne faire que de la radio.

 

En 1994, après deux saisons sur Skyrock, Arnold rejoint Fun Radio pour une émission de libre-antenne. Il propose aussi une émission de cinéma à la station. Lorsqu'il apporte le projet avec Laurent Weil comme coanimateur, la station accepte. D'autant, que le spécialiste cinéma de Canal+ vient gratuitement à l'antenne "pour s'amuser".

 

Nous avions une liberté conséquente sur Fun Radio

 

Peuleux : Tu as aussi participé aux "Débats de Gérard" sous différents pseudonymes, c'était ton défouloir ?

Arnold Derek : A 90%, les gens qui me retrouvent me parlent de Gérard plutôt que de mon émission de libre-antenne ou de l'émission de cinéma. Le truc qui est resté, ce sont les débats de Gégé… Les "Débats de Gérard" ce n'était pas un défouloir car, à l'époque, nous avions une liberté conséquente sur Fun Radio. C'était plus le fait de faire autre chose en inventant des personnages plausibles et de les faire exister, qu'ils plaisent aux gens. Sur Fun, on nous demandait d'être à l'antenne comme dans la vie avec nos défauts et nos qualités alors que dans les "Débats de Gérard", tout le monde endossait une panoplie et jouait un rôle. Moi, c'était Monsieur Masure et Trévor Jones. J'arrivais aussi à un âge où je n'avais plus besoin de me défouler (rires).

Peuleux : Moi, je me souviens plus du reste peut-être parce que j'avais finalement décidé de dormir à cette heure là !

Arnold Derek : Et bien merci d'être une exception et de te rappeler que j'ai fait autre chose (rires) !

Peuleux : Je me souviens aussi de ta longue chevelure bouclée !

Arnold Derek : Oui, ça aussi, ça revient sur le tapis !

 

En 1998, suite à l'arrivée d'une nouvelle direction, "s'en suit une grosse charrette et je suis dedans". Axel Duroux est mis en place par la CLT pour faire le ménage alors que la grille coute chère et que les audiences patinent.

Arnold Derek : C'est désagréable pour les gens qui partent mais il fait son boulot de chef d'entreprise. D'un point de vue stratégique avec une vision globale, je pense que c'était ce qu'il fallait faire.

 

Une diète radiophonique de 15 ans

 

Ensuite, Arnold Derek travaille pendant un an à Réservoir Prod, la société de production de Jean-Luc Delarue, avec Florian Gazan qui animait un jeu cinéma sur le câble. Puis, il part vers la presse écrite pour parler cinéma. Il écrit pour CinéLive, Première, Studio, GQ, version fémina…

Arnold Derek : Cela m'a permis de beaucoup voyager ce que je n'avais pas trop fait jusqu'alors. Ça m'a permis de visiter le monde ce qui est bien à faire. J'allais dans les festivals et aux conférences de presse mais surtout sur les tournages. Je me souviens d'un déplacement dans la jungle thaïlandaise sur le tournage du dernier "Rambo". Je suis arrivé de nuit, j'avais chaud, j'étais en décalage horaire et tout à coup, j'ai vu un mec avec un bandana autour de la tête devant moi, c'était Sylvester Stalone ! Ça fait un truc d'avoir un mythe en face de soi !

S'il arrête la radio durant 15 ans, Arnold se tient au courant de ce qui s'y passe car il a envie d'y revenir sans trop savoir comment. Il pense aussi qu'il paye un peu son caractère de "grande gueule arrogante". Finalement, en 2012, il se décide et prend son téléphone. Il appelle Radio France en espérant rejoindre Le Mouv' qu'il apprécie. La réponse est positive et il y fait quelques remplacement avant de finalement décrocher la matinale de Oüi FM.

 

Un retour gagnant sur Oüi FM

 

Arnold Derek : A Oüi FM, je connaissais Emmanuel Rials, le directeur général de l'époque et j'arrive au moment où ils veulent retravailler leur matinale. J'y suis resté 3 ans. Après j'ai fait un an à Radio Pôle Emploi qui est une très belle radio avec beaucoup d'auditeurs et en pleine croissance !

Finalement, en aout 2015, il arrive à France Bleu. Le réseau de Radio France, lui confie la prémainale diffusée en national de 5h00 à 6h00.

Peuleux : A l'époque, tu es un homme du matin !

Arnold Derek : Là c'est thermonucléaire comme horaire ! Tu te réveilles à 2h30 du mat', tu te réveilles au milieu de la nuit ! J'ai été très heureux de la faire mais c'est dur ! Alors que quand tu es matinalier, tu te réveilles vers 4h00, ça chatouille un peu l'aube, ça va mieux. J'aime bien les nouvelles expériences car ça enrichit mais la prématinale de France Bleu j'en ai chié (rires) !

Lorsqu'Arnold rejoint France Bleu, le réseau est en réflexion sur plusieurs émissions dont la tranche 19h00-20h00. Alors qu'il a fait ses preuves sur la prématinale, Arnold apparaît comme la bonne personne à la direction de France Bleu pour prendre en charge cette tranche diffusée en nationale. L'animateur avoue qu'une fois l'objectif défini avec la direction, il a fallu beaucoup travailler sur les réglages et pour affiner l'organisation de l'émission.

 

Mon ton est synchronisé à la couleur éditoriale de France Bleu

 

Peuleux : En quelques mots, comment définis-tu le concept de "France Bleu Soir" qui est une émission à plusieurs facettes entre culture et divertissement ?

Arnold Derek : Pour des raisons de lisibilité pour les auditeurs, nous avons décidé de scinder l'émission en deux parties parce qu'il y a beaucoup de voix différentes. Il y a une partie avec un invité et une partie magazine. Ça ne pose pas de problème en télévision, ça marche bien à la radio. Et puis la radio est un média d'habitudes et avec ce découpage, les rendez-vous sont clairement posés. Nous visons les gens qui rentrent du travail dans les transports. Nous leur proposons de les divertir avec des gens qu'ils connaissent ou que nous allons leur faire découvrir de manière un peu ludique.

 

Peuleux : Le nom de l'émission me surprend : "France Bleu Soir". A la même heure sur d'autres radios, les "Europe Soir" ou "RTL Soir" renvoient à des tranches d'information alors que l'information ne prend qu'un quart d'heure sur la tranche.

Arnold Derek : "France Bleu Soir" est la déclinaison d'un format existant : "France Bleu Midi". Effectivement ça peut semer le doute mais nous faisons quand même circuler de l'information sauf qu'elle est plutôt culturelle !

 

Arnold ne choisit pas ses invités, c'est le travail de Maud Rouland, la programmatrice, qui tient compte de la couleur éditoriale de la radio.

Peuleux : Quel invité qui n'est pas dans le format de France Bleu aimerais-tu recevoir ?

Arnold Derek : Un écrivain comme Emmanuel Carrère qui fait des bouquins formidables et qui vend beaucoup. Mais cela pourrait donner une émission trop cérébrale alors que nous sommes dans une tranche de divertissement. N'oublions pas que la radio n'a pas la puissance de la télévision, n'ayant pas l'image par définition, nous devons tabler sur des noms forts, connus du grand public. Par exemple, vendredi dernier, je recevais Gérard Jugnot. Tout le monde connaît Gérard Jugnot même si tout le  monde n'est pas capable de citer un film où il est à l'affiche.

Peuleux : Comment prépares-tu l'émission ?

Arnold Derek : Mal (rires) ! Ce qui est primordial quand tu reçois un invité, c'est de connaître ce qu'il a fait. Donc je vais voir les pièces et les films, j'écoute les disques, je lis les livres. C'est mon premier travail. Ensuite, j'aime bien passer des extraits sonores en rapport avec l'invité et sa carrière. Ça crée des passerelles. Même si j'ai beaucoup préparé mon émission, j'essaye d'être dans un état d'esprit assez candide pour garder un peu de spontanéité. Je n'ai jamais autant préparé des émissions depuis que je suis dans ce métier. Il faut savoir où tu vas mais la spontanéité rend l'émission plus humaine et incite l'invité à se confier plus facilement. C'est plus vivant.

 

Peuleux : Que disent les auditeurs lorsqu'ils réalisent que le Arnold Derek de France Bleu est le Arnold de Fun Radio et Skyrock ? Que le Arnold de leur jeunesse officie aujourd'hui sur une radio "de vieux" ?

Arnold Derek : Pour l'instant, les gens disent peu de choses (sourire) ! Ils sont étonnés. Mais à 50 ans, je ne vois pas comment je pourrai aller parler à des jeunes de 12-14 ans. Je n'évite pas quelques vannes bien sûr ! Mais je suis bien sur France Bleu et j'ai la chance que l'on me laisse faire une émission avec le ton qui est le mien. C'est important. Ce n'est pas donné à tout le monde de pouvoir synchroniser son ton à la couleur éditoriale de la station. Nous évoluons tous : je suis passé par des radios provoc' et rock plus jeune, là je suis sur la radio partenaire de la prochaine tournée de Céline Dion mais tout va bien. Il ne faut pas confondre la radio et ses animateurs comme il ne fait pas confondre un acteur avec son rôle. Je vais la promotion de certains artistes sans forcément les écouter chez moi.

 

Peuleux : A la rentrée, Arnold et France Bleu seront-ils toujours synchronisés ?

Arnold Derek : Je ne sais pas, nous sommes début avril et qu'il est trop tôt pour répondre. En tout cas, ils semblent contents de mon travail et moi je suis heureux ici. Sur un mal entendu, ça peut marcher (rires), en tout cas j'ai envie de continuer. 

 


LE 9 A LA SUITE D'HISTOIRE(S) RADIOPHONIQUE(S)

 

Si je devais interviewer une autre personnalité radiophonique, vers qui m'orienterais-tu ?

Si je devais interviewer une autre personnalité radiophonique, vers qui m'orienterais-tu ?

(Il réfléchit) J'en vois plein mais je n'arrive pas à faire de choix… A France Inter, il y a Augustin Trapenard que j'apprécie beaucoup et qui fait de très bonnes interviewes. Ah si, Michka Assayas qui fait une émission rock sur France Inter.

 

Les voix ou les émissions de radio qui ont marqué ton enfance ?

Malher sur Radio Show. C'est le premier animateur qui m'a donné l'idée de faire de la radio.

 

La plus belle rencontre radiophonique ?

Quelle question mon Dieu ! Caroline Chimo et Clément Potier sur la matinale de Oüi FM. C'était très très fort. C'était une matinale où nous avons tout défoncé la première saison : nous avons défoncé le studio et l'audience.

 

La pire rencontre radiophonique ?

C'est souvent le mec qui te vire parce qu'au bout d'un moment tu as un affect avec la station où tu travailles alors que lui vient d'arriver. J'ai envie de dire Axel Duroux parce qu'il n'a pas cherché 2 secondes à savoir qui j'étais, ce que je voulais. Il est arrivé à Fun, il m'a dit (en gros) "toi, tu parles fort, tu as une grande gueule, tu n'aimes pas les mêmes choses que moi, dehors !". Mais j'aurais pu donner d'autres noms…

 

Le plus beau souvenir en radio ?

Lorsque pour les 3 ans de mon fils, j'ai passé un extrait de la comédie musicale "Hello Dolly" sur Oüi FM. Donc un truc complémente hors format. J'ai failli chialer… Je savais qu'il écoutait et qu'à 3 ans il était fou de joie d'entendre ce titre et son papa lui parler à la radio. Ça défonce tout !

Le pire souvenir en radio ?

Non, je n'en ai pas. Même les pannes techniques ne sont pas des mauvais souvenirs ! J'ai un mauvais souvenir avec Guillaume Depardieu avec qui j'ai failli me battre alors que je le recevais à Fun Radio. Mais le mauvais souvenir est de l'avoir vu en détresse et décliner à cause de l'alcool alors que j'admirais l'acteur…

  

Quand tu n'es pas à la radio, écoutes-tu la radio ?

Très peu. J'écoute des disques comme à la vieille époque (sourire).

 

Quand tu sortes de la radio, que fais-tu ?

Je rentre chez moi pour m'occuper de ma famille.

 

Et dans 5 ans ?

Ha ha, j'aurai 55 ans ! (rire) Ça te va comme réponse ? (rire)

 

 

Remerciements : Merci à Arnold pour son accueil, sa disponibilité, sa franchise et l'invitation dans la régie de "France Bleu Soir". Merci à Peggy Dreyer, service presse de France Bleu, pour son aide. Merci à l'équipe présente en régie ce 10 avril : Gilles Carretero le réalisateur, Sarah la technicienne et à la jeune femme du standard au prénom inconnue. | Photos : Skyrock, Fun Radio, Oüi FM, Peuleux

 

 

Pour aller plus loin...


Skyrock

Fun Radio


Oüi FM

France Bleu


Entretien avec...
Max
       

dernière mise à jour de cette fiche le 09/05/2017


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