Peuleux | Le monde de Spirou et Fantasio

 ENTRETIEN EXPRESS AVEC...  JEAN-ERIC VALLI / GROUPE 1981 + LES INDES RADIOS | 04/07/2019

Président de Groupe 1981, groupe médias basé à Orléans, et Président des Indés Radio, Jean-Éric Valli est toujours aussi passionné par le monde de la Radio qu'au début des années 1980 tout en étant devenu l'un des acteurs majeurs du paysage radiophonique français. Rencontre avec un homme sans langue de bois… 

 

Jeudi 4 juillet, Nantes accueillait le #RadioTour organisé par La Lettre Pro de la Radio. A cette occasion, le Président du CSA a officiellement lancé le DAB+ en Loire-Atlantique. En effet, depuis 2 jours, les habitants des agglomérations de Nantes et Saint-Nazaire avaient accès à la radio numérique terrestre (1). Parmi les intervenants de cette journée de conférences et de rencontres, Jean-Éric Valli. Le temps d'une pause, il m'a accordé un entretien pour parler de son groupe, des Indés Radio et, finalement,  de la Radio en général.

 

En amont rappelons que Groupe 1981 compte aujourd'hui en France huit radios sur la bande FM et sur le DAB+ : Black Box (Bordeaux / développement en Aquitaine), Forum (Centre Val-de-Loire, Poitou-Charentes / développement en Pays de la Loire), Latina (multivilles / ambition nationale), Swigg (multivilles / ambition nationale), Vibration (Centre Val de Loire, sud de l'Ile-de-France, est des Pays de la Loire, Bourgogne et nord de l'Auvergne / développement vers l'ouest), Voltage (Ile-de-France), Wit FM (nord Aquitaine) et depuis peu Oüi FM (multivilles / ambition nationale).  

 

Peuleux : Groupe 1981 était jusqu’à présent qualifié de groupe médias régional. Mais aujourd'hui avec une couverture qui va de Paris à Bordeaux et de Nantes au Morvan et avec trois radios aux ambitions nationales, devons-nous toujours utiliser ce qualificatif de "régional" ?

Jean-Éric Valli : L'esprit est régional car nous avons certes des radios thématiques mais nous avons des radios régionales. Par ailleurs, notre siège est à Orléans, notre manière de penser est plus terrain que macro-économique avec un regard national. Dans le paysage audiovisuel français où le mot magique est "grand groupe", nous n'avons pas envie de rentrer dans cette typologie. Nous sommes une grosse PME avec un savoir-faire, nous ne voulons pas ressembler aux autres. Allez disons, que nous sommes un groupe multirégional !  

 

J'essaye de faire des programmes réalistes sans être prétentieux.

 

Peuleux : En regardant les attributions de fréquences en DAB+, Groupe 1981 est plutôt bien servi. Vous êtes-vous fixés des limites en termes d'expansion géographique pour chaque radio ?

[NDLR : avec les derniers ouvertures de fréquences DAB+, Forum et Vibration arrivent à Nantes qui devient leur bassin d'émission le plus à l'ouest tandis que Wit FM s'élancera vers le nord de la Nouvelle Aquitaine lors du lancement du DAB+ à Bordeaux]

Jean-Éric Valli : Très simplement : nous développons nos radios thématiques - Latina, Oüi FM et Swigg - sur une plan national en visant prioritairement les grandes agglomérations tandis que pour nos radios régionales, nous restons sur une vision régionale mais étendue. Là, nous voulons rester cohérents. Par exemple, nous n'irons jamais postuler avec Wit FM sur Mulhouse mais nous pourrions l'envisager sur Toulouse. Nous poussons un peu les bornes en tenant compte de données économiques mais avec une logique rédactionnelle.

 

Le PDG de Groupe 1981 évoque ce qu'il appelle "un développement national d'aujourd'hui". Pour ses radios thématiques, le groupe cherche à disposer d'une diffusion par les ondes (FM et/ou DAB+) sur les grandes agglomérations tout en étant présent sur la radio hybride (1). Un paramètre que Jean-Eric Valli veut avoir à l'esprit car la stratégie des radios devient mobile. D'ailleurs, Skyrock parle de "mobiradio" quand NRJ utilise le terme "radio digitale".

Jean-Eric Valli : Nous devons avoir une stratégie très mobile, nous ne sommes plus dans l'idéologique "je suis né en FM, je vais mourrir en FM" ou bien "maintenant il n'y a que le DAB+". D'ailleurs, même s'il y a des questions économiques, je ne crois pas qu'il faille fixer une date d'extinction de la FM dès à présent. Ce qui compte, c'est l'intérêt de l'auditeur tout en tenant compte de l'évolution technologique. Ainsi, nous diffusons tous sur Internet mais si la FM et le DAB+ restent gratuits, la réception IP est payante quelque part (au moins du fait de votre abonnement Internet via votre box ou votre téléphone).

 

La version actuelle de Oüi FM est très bien...

 

Peuleux : Au-delà du plan géographique, le groupe vient de connaître une extension structurelle avec le rachat de Oüi FM. Quel est l'avenir de la radio rock rachetée à Arthur ?

Jean-Éric Valli : La version à l'antenne actuellement est très bien. L'écueil que nous devons éviter est de nous perdre d'un point de vue éditorial en faisant par exemple une programmation rock trop pointue qui égarera les auditeurs. La version développée ces dernières années avec moins d'émissions très thématiques et plus de contenus présentés autrement a permis aux audiences de la radio de remonter. Il a été plus tenu compte de la vraie demande que d'un microcosme (3). Dans l'équipe d'aujourd'hui, il y a des gens qui font leur métier différemment mais qui le font encore mieux qu'hier. Notre intention est d'être cohérent avec un format rock qui s'inscrit en complément dans notre offre thématique. Nous allons le poursuivre du mieux possible en valorisant les talents de l'équipe.

Peuleux : Le fait d'avoir racheté une radio qui est inscrite dans l'histoire de la bande FM notamment parisienne n'ajoute pas une petite pression supplémentaire ?

Jean-Éric Valli : Non pas du tout. Je travaille pour les auditeurs, pas pour les copains, les institutionnels, le CSA… C'est le problème de Paris, on s'y parle entre soi, on s'y satisfait entre soi. C'est l'avantage d'avoir notre siège à Orléans. Nous avons cette force de pouvoir ignorer le microcosme.

Peuleux : Oüi FM va-t-elle déménager pour rejoindre les autres radios du groupe implantées à Paris ?

Jean-Éric Valli : Oui, elle va déménager mais les autres radios du groupe installées à Paris aussi. Il nous faut d'abord trouver des locaux. Nous n'avons pas de pression, les baux actuels ne sont pas finis. Cela va prendre du temps car il faudra aussi tout réinstaller. Mais ça sera sympa d'avoir tout le monde ensemble pour travailler tous en ensemble.

 

Sud Radio : nous avons cédé la station sans honte ni culpabilité mais en allant de l'avant.

 

Peuleux : Pouvons-nous faire une parenthèse sur l'échec de la reprise de Sud Radio ?

Jean-Éric Valli : La reprise de Sud Radio n'a pas marché, nous avons cédé la station sans honte ni culpabilité mais en allant de l'avant. Il y a eu deux aspects dans l'histoire. D'un côté, e CSA qui agréait la reprise de la station par Start (ancien nom de Groupe 1981) associé à Alouette et Radio Scoop mais sans nous dire qu'il ne voudrait pas favoriser le développement d'une quatrième généraliste en France. Dans le même temps, le CSA a permis à RMC de se développer mais n'a rien dit pour Sud Radio. Pour moi, cela est une forme d'amateurisme, il faut dire les choses. Le CSA d'aujourd'hui qui a plus de considérations économiques en tête n'agirait pas ainsi. Le CSA a protégé les trois anciennes généralistes en sacrifiant Sud Radio. La conséquence a été de n'avoir aucune nouvelle fréquence en dehors de celle de Paris. Sud Radio n'a pas pu se développer en France pendant que 90 fréquences FM étaient attribuées à Europe 1, RMC et RTL dans notre zone de diffusion. On a compté ! Faisons juste des maths, à la fin, ça ne peut pas marcher. De l'autre côté, nous n'avons pas bien su gérer la station. Il y avait un travail à faire avec l'équipe beaucoup plus en profondeur que ce que nous avons fait car nous avons rencontré beaucoup de résistances internes. Des résistances avec des gens qui avaient l'habitude de la radio des années 1960, une radio parapublique et avec un financier qui a toujours bouché les trous dans le budget. Là, ce n'était plus possible. Et nous n'avons pas su approfondir ce point-là. Et puis, dans toute cette adversité, nous avons peut-être mal construit notre programme. Je ne jette pas la pierre mais je pense que chacun y a contribué à sa façon à ce que ça ne marche pas.

Sans amertume, Jean-Éric Valli explique que dès le début, les nouveaux propriétaires de Sud Radio ont dû faire face à une grosse pression car la radio avait "un effectif gigantesque, un effectif complémentent décalé de son économie" avec une théorie : aucun plan économique, aucun licenciement, aucune remise en question. "Le monde bouge autour de nous mais il faudrait rester imperturbable !? C'est une théorie incroyable. Or il faut bien à un moment gagner de l'argent pour faire vivre le système."

Jean-Éric Valli : D'ailleurs, je me souviens que lorsque nous présentions des évolutions de la grille, certains salariés allaient se plaindre directement au CSA qui les recevait, ce qui est inadmissible et démagogique puisque le CSA n'avait aucun pouvoir à ce niveau-là sur nous. Le CSA ne faisait que les écouter lors de rendez-vous occultes. La leçon que j'en tire c'est que tout le monde doit être professionnel. Pas d'approximation.  

 

Groupe 1981 a de belles marques avec de belles histoires...

 

Peuleux : Les vacances commencent à peine mais dans les radios tout le monde regarde déjà vers la rentrée. Avez-vous des annonces intéressantes à faire pour la rentrée des différentes stations ?

Jean-Éric Valli : Nous essayons de travailler dans la continuité d'autant que nos différentes radios se portent globalement bien. Nous allons nous efforcer de corriger les petites choses qui ne vont pas bien et que nous avons identifiées. La démarche générale est d'être plus performants sur les contenus notamment les contenus parlés et de rester cohérents avec nos formats. Nous sommes plus sur du réglage, sur de l'optimisation que sur de la révolution.

 

Peuleux : Si nous regardons le classement national des radios dites locales, il y a quand même plusieurs radios de Groupe 1981 qui sont dans le top 10.

Jean-Éric Valli : Après Alouette, on retrouve Latina, Oüi FM, parfois Swigg… C'est vrai que nous avons de belles marques avec de belles histoires qui durent depuis 30 à 40 ans pour certaines.

 

Peuleux : J'ai vu que vous aviez été animateur de radio au début des années 1980. Le micro ne vous manque pas ?

Jean-Éric Valli : Si mais ce n'est pas mon boulot aujourd'hui. Je n'ai pas demandé à avoir ma propre émission (sourire) !

 

Les combats des Indés Radio : DAB+, publicités et quotas de chanson francophones

 

Peuleux : Parlons un peu des Indés Radio. L'un des grands combats du GIE (groupement d'intêret économique) était le déploiement du DAB+, nous pouvons considérer que la chose est désormais bien lancée… Quel est votre prochain grand combat ?

Jean-Éric Valli : Ce n'est pas du tout fini, il faut désormais veiller à ce que les radios locales soient aussi servies sur le DAB+. Sinon la grande préoccupation des radios indépendantes aujourd'hui c'est la possibilité pour la grande distribution de faire de la publicité à la télévision. C'est juste impossible économiquement pour les radios ! Ensuite, sur le moyen terme, il y a la question des quotas de chanson francophone. Nous avons une loi ancienne aggravée en 2016 avec une philosophie aujourd'hui inacceptable. Actuellement, ce sont des gens qui ne font pas de radios qui décident à notre place et même à la place des pouvoirs publics avec des textes législatifs prêts à signer. Nous avons beaucoup à faire avec nos collègues de la filière musicale plutôt de voir leur lobby nous taper sur la tête. Les pouvoirs publics devraient écouter, arbitrer pour l'intérêt commun. Ce n'est pas le cas. Et nous avons aussi en face de nous des plateformes d'écoute en ligne (Deezer, Spotify, Appel Music…) qui n'ont aucun quota à respecter et qui ne le pourraient pas puisque leur mode de fonctionnement n'est pas compatible avec ce dispositif : c'est l'auditeur qui choisit sa musique ! Il y a des propos qui vont dans le bons sens pour des radios msuicales thématiques comme Latina, Oüi FM ou FG mais le problème existe pour toutes les radios !

Jean-Eric Valli appelle à être efficace face à la concurrence du digital et à servir l'intérêt général. Il déclare même ne pas être contre les quotas qui peuvent être efficaces. Mais il a le sentiment que les pouvoirs publics demandent aux radios toujours plus d'efforts "gentiment ou avec la matraque" pour jouer plus d'artistes francophones "mais nous ne sommes pas des idiots qui ne voudrions pas jouer d'artistes français pour le principe. Nous sommes attentifs à ce que veut notre public, d'ailleurs, nous faisons des études".

Jean-Eric Valli : Ce mode de fonctionnement n'est plus acceptable, nous devons tous travailler de manière solidaire dans le même sens. Dans cette affaire de quotas, il y a un aspect concret qui est destructeur et un aspect moral qui est inacceptable.

Le Président des Indés Radio souligne que les radios françaises font parties de la culture française alors que les majors de l'industrie du disque sont presque toutes aux mains d'investisseurs anglo-saxons. Il souligne que les radios françaises défendent la culture française : "Si nous ne le faisions pas nous ressemblerions à des webradios produites par un Google, sans la spécificité qui nous distingue des radios digitales". Et de rappeler que dans un pays où la lutte contre le chômage est complexe, la Radio est une branche de l'économie française qui ne peut pas se délocaliser à l'étranger et génère donc des emplois sur le territoire national.

 

J'essaye de faire les choses sérieusement sans me prendre au sérieux...

 

Peuleux : Une dernière question : entre Groupe 1981 - où je vous imagine mal les fesses collées à votre fauteuil - et la présidence des Indés Radios, vous devez avoir de bonnes journées, non ?

Jean-Éric Valli : (rire) Je peux faire deux réponses. La première serait "oui je travaille beaucoup" mais la vraie est "est-ce que c'est un vrai travail ?". J'essaye de faire les choses sérieusement sans me prendre au sérieux ou prendre les choses gravement. Je crois que même dans les pires moments de l'entreprise, je n'ai jamais réussi à faire une réunion avec gravité. J'ai des bonnes journées dans le meilleur du sens de l'expression "bonne journée".

Peuleux : Etes-vous plus un passionné de radio qu'un professionnel de la Radio ?

Jean-Éric Valli : Je suis les deux. Avec modestie, je pense discerner des choses que seule la passion ne me permettrait pas de voir. J'ai le souci de voir les projets aboutir avec succès. Pour moi, la radio est un support pour exprimer des choses dans l'organisation sociale. D'ailleurs, Les Indés Radio se sont fixés une direction déterminée, sans démagogie et avec respect. Les gens me connaissent pour dire la vérité même si elle peut faire mal, que je le dis pour avancer les choses. C'est une alchimie qui me permet d'être attentif à la société qui m'entoure. Avec les pouvoirs publics, même s'il m'arrive de faire un sourire forcé, je ne fais jamais de langue de bois. On ne se grandit pas dans la démagogie. Et en Radio, les auditeurs sentent si on se moque d'eux et - heureusement - ils partent... On peut leur proposer des choses qui sur le coup ne seront pas forcément acceptés mais s'ils ne valident pas à la longue, il faut savoir se retirer.

 

(1) La Roche-sur-Yon (Vendée) a été déployé en simultanée de Nantes puisqu'inclus dans la zone dite étendue.

(2) La radio hybride est un poste de radio intelligent qui se connecte au meilleur moyen de diffusion de votre station entre la FM, le DAB+ et la diffusion sur IP (Internet).

(3) Face à la baisse des audiences de Oüi FM, la direction de la radio rock avait supprimé la presque totalité des émissions thématiques pour proposer une grille où les titres s'enchaînent toute la journée entrecoupés de quelques chroniques musicales. Cette nouvelle version de Oüi FM avait été critiquée par de fidèles auditeurs et certains observateurs qui regrettaient ces émissions à fort caractère et déploraient la programmation musicale plus lissée. Mais cette nouvelle version a rencontré son public puisque les audiences sont reparties à la hausse.


Remerciements : Merci à Jean-Éric Valli pour cet entretien de dernière minute, pour le temps qu'il m'a consacré, pour sa liberté de ton et son intérêt. Merci aussi pour l'invitation à visiter les studios ! | Photos : Centre France, Les Indés Radio, Groupe 1981, Peuleux

 

 

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Entretien avec...
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dernière mise à jour de cette fiche le 13/07/2019


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