Malgré la concurrence des réseaux sociaux, la Radio
reste un formidable outil de communication pour les marques, les
politiques ou les artistes… Mais nos radios doivent aussi savoir
communiquer pour promouvoir leurs programmes. Parmi les
différents services qui contribue à la communication au sein du
groupe Lagardère Radio (Europe 1, Europe 2 et RFM), il y a le
service des relations presse de Lagardère Radio. Je vous emmène
dans les coulisses de ce service méconnu des auditeurs…
Le service des relations presse est
installé dans un open-space partagé avec le service
communication du 2 rue des Cévennes à Paris, immeuble en bord de
Seine où sont implantées les trois radios du groupe Lagardère
Radio mais aussi CNews, Elle International et Le Journal du
Dimanche. Et c'est Anissa Ghazi, responsable des relations
presse, qui me guide. Anissa Ghazi est arrivée au service de
presse d'Europe 1 en 2014 avant de prendre en charge les deux
radios musicales en 2018. Au quotidien, ce sont trois personnes
qui l'accompagnent :
-
Estelle Hamon en charge les relations presse d'Europe 1 ;
-
Raphael Levron qui s'occupe des trois radios ;
-
Jeannette Mabounda en alternance depuis l'été 2024.
La mission du service des relations
presse est de répondre aux sollicitations des journalistes des
autres médias et de leur transmettre des informations sur
l'actualité des trois radios mais aussi de leur proposer des
papiers et interviewes.
Anissa Ghazi : Les relations avec la
presse sont une composante de la Communication mais nous faisons
de la communication ciblée vers les journalistes pour qu'ils
parlent de nos radios et de nos programmes à leur public
respectif.
Le service presse, la communication et
la régie publicitaire évoluent en symbiose du point de vue
opérationnel. D'ailleurs, cette proximité fait que les trois
services sont placés sous la houlette de la même personne: Marie
Renoir qui gère aussi la stratégie de la communication, le
marketing et le numérique. Dans le cadre de ses fonctions, Marie
Renoir chapote directement la communication d'Europe 1 et
s'appuie sur la directrice de la communication des radios
musicales. Vu de l'extérieur, nous pouvons avoir l'impression
qu'il y a beaucoup d'intervenants dans le circuit de la
communication chez Lagardère Radio mais ce ne sont en fait que
des petites équipes opérationnelles.
RENDRE
COMPTE DE LA VIE DE L'ANTENNE D'EUROPE 1, UNE TACHE PRENANTE
L'équipe du service presse a une réunion
chaque lundi pour répartir le travail sur la semaine, faire le
point sur l'agenda et partager des idées pour l'avenir. Et comme
le service de presse travaille dans le même espace que le
service communication, les deux équipes échangent entre elles
tout au long de la journée, "il y a donc un fonctionnement
harmonieux entre ses différentes fonctions" qui servent la
communication des trois radios.
Si le but du service presse est de faire
connaitre aux autres médias les programmes et opérations des
trois radio, il a aussi la mission de mettre en valeur ce qui va
se passer ou ce qui s'est passé à l'antenne. Et avec ses
nombreux invités quotidiens, Europe 1 occupe une grande partie
de l'activité du service. Ainsi chaque matin, les quatre membres
du service se relayent pour diffuser auprès des journalistes
externes à Europe 1 ce qui ressort des interviewes de la
matinale, notamment de l'interview politique de 8h10. En effet,
il faut rappeler qu'en Radio, la matinale est la tranche la plus
stratégique.
Anissa Ghazi : Nous reprenons ce que la
rédaction a rédigé comme papiers suite à ces interviewes pour
afin de favoriser des reprises par les autres médias. Cela
permet à la marque Europe 1 de gagner en visibilité auprès du
grand public. Actuellement, nous avons quasiment quotidiennement
une dépêche AFP qui reprend une déclaration de notre invité du
matin.
C'est d'ailleurs pour cette raison que
toutes les radios ont désormais (et Europe 1 depuis de
nombreuses années déjà) des caméras dans leurs studios :
permettre aux journaux des grandes chaines et aux chaines
d'information de diffuser des extraits des interviewes avec le
logo d'Europe 1 en arrière-plan et sur le micro.

Photo : Pierre Olivier
de Capa Pictures pour Europe 1
Anissa Ghazi : En dehors de cette
"routine", le reste de notre journée est dépendant de ce qui se
passe à l'antenne car c'est bien elle qui nous nourrit. Par
exemple, l'autre jour, Laurence Ferrari et Sonia Mabrouk ont
interviewé le premier Ministre François Bayrou pendant 45
minutes au lieu du format habituel (environ 17 minutes). Notre
travail a été de prévenir la presse, de prévoir un photographe
puis de diffuser les déclarations de cet entretien.
Europe 1 étant une radio généraliste,
l'information y a une place importante. Il faut dire qu'entre 5h00 et 1h00 du matin en
semaine, la station propose quatre tranches d'information qui
représentent 7h15 de programmes quotidiens en direct. Soit
environ 35% de l'antenne (hors flashes et journaux permanents).
Mais le service presse veille à aussi promouvoir les 65% de
l'antenne non consacrés à l'information en parlant par exemple
des invités de "Culture Médias", de "Clap !", de Laurent
Mariotte ou d'Isabelle Morizet et Christophe Hondelatte.
Le service publie aussi des communiqués
de presse pour annoncer l'arrivée de nouvelles voix et/ou
émissions à l'antenne comme récemment avec "Cœurs et Âmes"
lancée le 19 avril avec Grégory Turpin à la présentation ou bien
pour partager les résultats des enquêtes d'audiences de
Médiamétrie.
En prime, 2025 marque les 70 ans
d'Europe 1, un événement que la station met en avant à travers
un flux important de podcasts qui reposent sur les archives de
la station (voir mon article sur le service du patrimoine sonore
d'Europe1). Le service presse a ainsi mis en place depuis
décembre 2023 une newsletter mensuelle qui met en avant les
podcasts d'Europe 1 avec chaque mois une thématique comme les
femmes ou le printemps…
Anissa Ghazi : A l'occasion des 70 ans
d'Europe 1, nous avons lancé trois formats spéciaux sur les
réseaux sociaux :
·
Dans
le premier, nous recueillons les souvenirs d'auditeurs à
l'écoute d'une archive ;
·
Dans
le deuxième, nous continuons de commenter ces archives mais avec
un animateur ou un journaliste de la station, le premier numéro
est avec Thomas Isle ;
·
Dans
le dernier format baptisé "70 secondes", nous reviendrons sur un
fait d'actualité.
FAIRE
RAYONNER LES RADIOS MUSICALES
Si l'information sur Europe 1 mobilise
beaucoup de temps, le service presse gère aussi les relations
avec les journalistes extérieurs autour de la communication des
deux radios musicales. Ainsi il faut faire savoir lorsqu'un
artiste est invité, lorsque la station est partenaire d'un
évènement, lorsqu'une opération spéciale est menée à l'antenne,
lorsque la station organise un concert ou délocalise une
émission.
Anissa Ghazi : Lorsqu'un auditeur gagne
à l’un de nos jeux concours (comme au jeu du loyer sur Europe
2), notre rôle va aussi consister à obtenir un article ou une
brève dans la PQR de la région où vite l'auditeur gagnant. Des
fois, cela va même jusqu'à l'interview si l'auditeur nous a
donné son accord en amont.
Peuleux : le 29 mai 2025, RFM organise
un concert "RFM Music Live" à la Foire de Bordeaux. Comment
avez-vous travaillé sur cet événement ?
Anissa Ghazi : La direction de la
communication gère l'orchestration avec les équipes chargées de
constituer le plateau d'artistes en lien avec les maisons de
disques. Le service des réseaux sociaux (qui gère aussi le site
Internet) a publié un article annonçant le concert et le
concours qui va avec sur le site de RFM et sur les réseaux
sociaux. Il a aussi accompagné les équipes de RFM Gironde dans
sa communication puisque la locale va aussi faire gagner des
places VIP. Pour notre part, avec Raphaël Levron, nous avons
préparé un communiqué et l’avons diffusé en début de semaine à
destination aux journalistes de notre liste de diffusion
nationale mais aussi auprès de journalistes locaux. Nous
cherchons à avoir des reprises de cette annonce dans la presse
locale. Puis des articles après le concert.
Ce type d'opération a plusieurs buts
pour une radio, des buts qui sont liés entre eux et parfois
s'alimentent les uns les autres :
·
Proposer un évènement à ses auditeurs en allant à leur rencontre
;
·
Créer
un événement sur l'antenne locale ;
·
Montrer que la station n'est pas qu'un radio parisienne mais une
radio avec des attaches en région.
·
Fidéliser les auditeurs ;
·
Acquérir de nouveaux auditeurs ;
·
Faire
parler de la radio.
Anissa Ghazi : Au final, nous faisons
rayonner la marque RFM et ses animateurs !
Peuleux : Mi-avril, alors que Benjamin
Castaldi vient de quitter la présentation de la matinale
d'Europe 2 à 3 mois de la fin de la saison, la station a
officialisé l'arrivée de Cauet de 7h00 à 11h00. Quand avez-vous
eu l'information et comment avez-vous géré cette nouvelle ?
Anissa Ghazi : Nous avons eu
l'information un peu en amont et à partir de cet instant, tout
s'est accéléré : notre rôle a été de diffuser l'information aux
journalistes de notre carnet d'adresse puis de gérer les
demandes entrantes d'interviewes. Et nous en avons eu pas mal !
En amont de l'annonce officielle, nous avions orchestré en petit
comité la communication autour de son arrivée (photos, prises de
parole, communiqués de presse, etc.).
Mais l'équipe d'Anissa Ghazi avait
anticipé cette annonce car la rumeur d'un changement à la tête
de la matinale d'Europe 2 circulait depuis un petit moment dans
les couloirs comme dans la presse. Les procédures internes en
cas d'arrivée d'un nouvel animateur à l'antenne avaient donc été
préparées mais sans savoir qui serait vraiment à l'antenne si
Benjamin Castaldi partait avant la fin de la saison.
Anissa Ghazi : Avec les différents
intervenants internes, nous avons établi un plan de
communication et un plan presse que nous avons ensuite adapté à
la personnalité retenue par la direction pour reprendre la
matinale.
Peuleux : Cauet reste populaire mais
beaucoup d'articles annonçant son arrivée ont aussi rappelé ses
ennuis judiciaires. Et sur les réseaux sociaux, il y a eu un
début de bashing à son encontre…
Anissa Ghazi : Sébastien Cauet réserve
sa parole à la justice et, pour l'heure, il est présumé innocent
au regard de la loi.

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C'est quoi le "bashing" ?
Derrière ce néologisme anglais se cache le fait de
dénigrer une personne, une société ou une institution de
manière publique, intensive et collective. Le bashing
s'exprime notamment via les réseaux sociaux mais aussi
parfois dans la presse traditionnelle. Le phénomène
monte rapidement en puissance avant de retomber - plus
ou moins vite - à l'image des modes (ou trends) sur les
réseaux sociaux.
Le bashing le plus connu ces
derniers mois est celui lancé sur Tik-Tok "I don't wanna
be french" (je ne veux pas être français). Mais vous
avez peut-être vous-même participé au JO bashing en
amont des Jeux Olympiques de Paris 2024…
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NOTRE METIER
A EVOLUE AVEC LE MONDE ENVIRONNANT
A l'heure des réseaux sociaux et des
plateformes de streaming, la Radio est moins présente dans la
presse écrite. Ils existent toujours mais il y a un peu moins de
contenus consacrés à un animateur ou un journaliste de Radio en
dehors d'un super transfert à l'occasion du mercato (comme le
départ d'Europe 1 de Laurent Ruquier pour RTL), d'une polémique
(comme les propose de Jean-Michel Apathie sur RTL) ou d'un fait
divers (comme le home-jacking chez Bruno Guillon). Aujourd'hui,
la télévision parle aussi très peu de la Radio alors que de
nombreux animateurs de télévision sont passés par la Radio ou y
travaillent en parallèle du petit écran.
Anissa Ghazi : Notre métier a évolué et
le service presse fait aussi de la communication en aidant
régulièrement nos collègues pour des évènementiels comme les 10
ans des "Trophées de l'Avenir Europe 1. Cette évolution n'est
pas inintéressante car elle nous permet de toucher un peu à tout
et nous invite à faire preuve de créativité pour faire parler de
nous.
COMMENT
REAGIR (OU PAS) FACE AU BASHING ?
Europe 1 a été la cible d'un bashing
assez lourd attaquant la radio aussi bien sur sa ligne
éditoriale que sur son rapprochement avec CNews ou sur le fait
que Vincent Bolloré soit rentré au capital du groupe Lagardère.
De même, l'arrivée de Cauet mi-avril 2025 à la tête de la
matinale d'Europe 2 a été la source d'un mouvement de
dénigrement au regard de la situation judiciaire de l'animateur.
Dans une telle situation, que l'on soit
une radio ou n'importe quelle personne, il y a deux façons
d'agir et de se positionner :
· Aller
au-devant de la crise en contre argumentant, en se défendant
mais avec le risque de remettre une pièce dans la machine et
d'alimenter soi-même le débat ;
· Ne pas
commenter et attendre que les choses se tassent au bout de
quelques jours.
Anissa Ghazi : Le choix de la stratégie
adoptée revient en toute logique à la direction, j'ai moi-même
pratiqué les deux exercices. Je suis partisane de prendre la
parole lorsque cela est utile et non pour alimenter inutilement
le débat. Par exemple, les choix de recruter Pascal Praud ou
Cyril Hanouna s'expliquent par la popularité de ces deux
personnalités publiques au profil très différents mais qui
attirent toutes les deux beaucoup de monde donc génèrent de
l'audience.

Anissa Ghazi : Europe 1 n'est pas sur
une ligne éditoriale qui s'inscrit dans les clivages
Gauche-Droite mais sur la liberté d'expression. Depuis cet été
Europe 1 s'est proclamée "la radio libre". D'ailleurs, c'est
amusant car à la même période RTL a aussi communiqué sur sa
liberté. Et beaucoup d'autres médias ont revendiqué leur liberté
ces derniers temps. Notre phare, c'est notre liberté. Les auditeurs peuvent
appeler le standard d'Europe 1 quelque soient leurs opinions
politiques. A charge à l'animateur de recadrer s'il y a des
choses factuellement inexactes dites par l'auditeur ou son
invité. Et à lui de faire respecter la loi en cas (par exemple)
de propos racistes ou homophobes. C'est là notre limite. Un
auditeur est libre d'exprimer son idée même si elle déplait à la
majorité, l'animateur ou un autre auditeur peuvent lui répondre
de manière contradictoire pour équilibrer.
Peuleux : Dans les attaques contre
Europe 1, il a été (entre autres) évoqué le
temps de parole
important laissé aux partis d'Extrême-droite…
Anissa Ghazi : C'est faux car nous
sommes soumis aux mêmes règles que toutes les autres radios et
nous sommes tenus de respecter un l'équilibre du temps de parole
entre les différentes tendances politiques. Sans compter que les
émissions codiffusées avec CNews rentrent dans les calculs
d'Europe 1. Mais la directrice des affaires institutionnelles,
le directeur de la rédaction et le directeur d'antenne y
veillent avec une grande attention.
Pour Anissa Ghazi, l'immédiateté des
réseaux sociaux peut être sources d'erreur ou de contre-vérités
alors que le temps (plus) long de l'enquête que permet la Radio
donne un recul sécurisant sur l'information.

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C'est quoi l'équilibre
du temps de parole ?
Les radios et télévisions doivent respecter un équilibre
dans le temps de parole qu'ils donnent sur leurs
antennes aux personnalités politiques. Depuis 2018, ce
temps est réparti en trois parts : 1/3 pour Président de
la République, ses collaborateurs et le Gouvernement et
2/3 aux partis politiques et personnalités politiques.
Au
sein de ces 2/3, la répartition entre les différentes
tendances politiques tient compte des résultats aux dernières
élections. Les éditorialistes politiques ne sont pas
comptabilisés tant qu'ils ne sont pas encartés [NDLR :
inscrits dans un parti politique]. De fait, l'émission
de Philippe De Villiers est comptabilisée par Europe 1.
Chaque trimestre, l'Arcom vérifie les données remontées
par les médias. Actuellement, neuf radios doivent
respecter cette règle : BFM Business, Europe 1, France
Culture, Franceinfo, France Inter, Radio Classique, RMC,
RTL et Sud Radio.
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Gaspard de Vaubicourt,
programmateur des invités de la matinale week-end d'Europe 1,
explique que pour lui les choix sont aujourd'hui guidés par
l'actualité "avec toujours un œil sur le suivi des temps
de parole".
Prenons un cas concret : début avril
2025, avec le procès de Marine Le Pen à la une, les médias ont
reçu beaucoup d'invités soutenant la figure de proue du
Rassemblement national. Mais ils ont aussi reçu les plus
virulents opposants du parti d'extrême-droite. Si vous regardez
la liste des invités entre le vendredi 11 avril (lendemain de la
condamnation) et le lundi 14 avril (lendemain d'une journée de
manifestations de soutien à Marine Le Pen à Paris et à travers
le pays), Europe 1 ne se distingue pas dans ses choix d'invités
politiques des choix de RMC, RTL ou France Inter.
Peuleux : J'ai aussi eu le sentiment
qu'une partie du Europe 1 bashing venait d'auditeurs qui ne
retrouvaient plus "leur radio" dans cette nouvelle ligne
éditoriale…
Anissa Ghazi : Europe 1 est une radio
patrimoniale, un radio qui a toujours eu un rapport spécial avec
ses auditeurs, une radio qui a été à l'origine de beaucoup de
nouveaux concepts dans le monde de la radio et qui évoque
beaucoup de souvenirs dans l'esprit des gens : les émissions et
récits de Pierre Bellemare, la première émission de Jazz en
France, "Salut les copains" et les débuts de Johnny Hallyday,
les Podiums Europe 1… Sauf qu'Europe 1, comme toutes les autres
radios, a évolué. Entre la réalité et le fantasme, entre hier et
aujourd'hui, certains ne retrouvent pas ce qu'ils avaient et
aimeraient encore avoir. En revanche, il y a des choses qui
n'ont pas changé depuis 70 ans, c'est la liberté de ton d'Europe
1 et la place accordée à l’auditeur!
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